Le Bout du Tunnel
Ceux qui me connaissent savent que je prépare une thèse de doctorat. Étudiant en thèse, c'est quelque chose de très différent d'un étudiant « classique », et très différent d'un salarié.
Contrairement à un étudiant, on n'a pas des cours, des examens et des projets pour accumuler des notes et des modules. Si c'était le cas, il suffirait de suivre les rails et on serait tous docteurs au bout de trois ans. Contrairement à un salarié, on est payé par des gens qu'on ne voit jamais (dans mon cas l'état japonais), et qui se fichent pas mal de savoir si on avance ou pas dans notre travail. Si on avait juste un employeur, il suffirait de faire ce qu'on nous demande, sans avoir en point de mire l'épreuve du feu de fin de thèse.
En bref, on travaille pour soi mais payé quand même, avec un but à très long terme. Si on se repose un peu, on ne s'en rend pas forcément compte parce qu'il n'y a ni examens ni employeur. On peut passer des mois à ne rien faire sans que ça ne dérange personne, et sans que le salaire ne s'arrête de tomber (chut, c'est un secret. Bon la bourse a une durée limitée quand même.) Sauf qu'on avance pas, et à un rythme comme ça on peut passer plus de 5 ans sur une thèse a faire du sur-place. C'est très mauvais pour le moral, pour les finances et pour la carrière.
C'est très difficile, plus difficile que je ne le pensais avant de commencer cette aventure. Il faut gérer un projet de 3 voire 4 ans, avec un but assez flou (« trouver de bonnes idées, en faire des articles qui seront acceptés dans des revues et écrire une thèse de plus de 100 pages »). Le risque est grand de se laisser aller à faire autre chose, à s'attarder sur des détails plutôt que d'avancer sur des choses publiables, à s'acharner sur des idées qui ne mènent nulle part... Même si le directeur de thèse est là pour aider, ça reste une traversée de l'atlantique en solitaire.
Mais heureusement, ma thèse touche (enfin) à sa fin. Grâce à un article dans un journal japonais accepté début août, j'ai le nombre d'articles de journaux requis. Ma thèse est prête. Il ne reste plus qu'à soumettre cela en France et au Japon, et faire une soutenance de 40 minutes dans chacune des universités. Quand j'ai vu cet après-midi mon collègue en début de thèse essayer de trouver son sujet, de défendre des idées encore bien maigres, je me suis dit que j'avais parcouru un sacré chemin. Et je suis bien content que cette partie-là soit derrière plutôt que devant.
Ah, si ma thèse avait été aussi simple que celle du petit Nicolas !