06 juin 2005

L'Informatique et l'Industrie du Bâtiment

C'est souvent difficile d'expliquer pourquoi j'ai cherché à fuire l'ingénieurie informatique en allant en doctorat, puis pourquoi aujourd'hui si je vais en entreprise ce sera forcément dans une entreprise innovante, qui laisse beaucoup de liberté à ses ingénieurs.

En tâchant d'expliquer ça à un ami, j'ai utilisé la métaphore de l'industrie du bâtiment, et je me suis rendu compte que l'analogie fonctionnait assez bien. En règle générale, l'industrie informatique est comparable à l'industrie du bâtiment : il s'agit généralement de projets importants, mettant en œuvre plusieurs corps de métier, orchestrée par une entreprise « fournisseur de service » au profit d'un client dont le métier est complètement indépendant.

La différence (de taille) entre informatique et bâtiment, c'est que les produits informatiques sont gratuitement duplicables à l'infini (sauf quand on empêche la duplication artificiellement) et gratuitement déplaçables sur des dizaines de milliers de kilomètres. Cela dit, on imagine bien ce que serait l'industrie du bâtiment dans ce cas-là.

Imaginez que la matière dont on fait les bâtiments, ainsi que les étapes intermédiaires, soient duplicables et téléportables. Qu'est-ce qu'il se passerait ? On pourrait prendre une cuisine américaine préfabriquée, une salle de bain australienne, un salon suédois et assembler le tout. Si une entreprise qui construit des cuisines veut convaincre un client de prendre la sienne plutôt qu'une autre, n'ayant ni le critère local ni le critère du prix pour convaincre, il est obligé d'être meilleur. Résultat : quelques entreprises innovantes feront vraiment du bâtiment, et les autres ne feront qu'assembler les morceaux préfabriqués. (Oui, je sais ; il se peut que des entreprises pas vraiment innovantes parviennent à imposer leurs produits sans qu'ils soient meilleurs techniquement. On espère que ce genre de situation ne durera pas trop.)

C'est exactement ce qu'il se passe en France. Les entreprises françaises qui développent vraiment des logiciels novateurs et reconnus sont rarissimes, et tout le reste se contente d'assembler des morceaux. Il vous faut un système d'information ? On choisit le bon système de bases de données, un interface en VisualBasic ou web pour les plus avancées, on connecte le tout et ça roule. Le gros de la problématique devient, au final :

  • S'adapter à ce qui existe déja,
  • Comprendre de quoi l'utilisateur a besoin,
  • Comprendre ce que le client veut.
Non, il n'y a pas de répétition ; l'utilisateur (celui qui va vraiment se servir du système) et le client (celui qui a le pouvoir de décider s'il faut acheter ou pas) ne sont pas les mêmes et n'ont pas les mêmes attentes. Ça se passe généralement assez bien avec l'utilisateur, si on fait abstraction du fait qu'ils ne savent pas forcément ce dont ils ont besoin (mais certains croient vraiment savoir). Le client, lui, a besoin de buzzwords qu'il a lu dans son magazine de manager pour être satisfait. Quand une technologie est à la mode (parce que le fournisseur en question a fait plus de PR que les autres), il lui la faut avant les autres pour pouvoir pavaner devant ses semblables au bal de Polytechnique.

Tout ça pour dire qu'assembler des blocs préfabriqué avec un maketeux qui m'impose des choix de technologies sans rien y connaître, ce n'est pas pour moi. Car j'aime trop l'informatique pour faire délibérément de la crotte pour plaire aux markéteux et aux commerciaux. Il reste donc assez peu d'entreprises dont quasiment aucune n'a d'ingénieurs en France... Et la recherche universitaire.

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